Fondée le 8 juin 1905, sous les auspices de la Banque de l'Union parisienne et avec le concours de la Société générale de Belgique, la Banque hypothécaire franco-argentine, société anonyme française au capital de 25 millions de francs eut pour objet, à l'origine, toutes opérations de crédit hypothécaire en République argentine, en Paraguay et en Uruguay (dans les faits et malgré une modification des statuts en 1923, étendant les opérations de la Banque à tous les pays, les activités decette dernière restèrent presqu'exclusivement limitées à l'Argentine). Elle devait prendre le relai de la Société hypothécaire Belge-américaine, filiale de la Société générale de Belgique, installée à Buenos-Aires depuis 1898, qui ne pouvait développer ses opérations parce qu’elle avait épuisé ses facultés d'émission ; un accord fut conclu le 17 juin 1905 entre les deux établissements, prévoyant une répartition des opérations de crédit hypothécaire.
Le siège social de la Compagnie fut établi à Paris : d'abord 7 rue Chauchat puis 32 rue Lepeletier en 1925 et enfin au 16 de la même rue en 1933.
Jusqu'à la guerre de 1914-1918, la Banque hypothécaire franco-argentine bénéficia d'une période de prospérité et put accroître le volume de ses prêts ; la Guerre mondiale elle-même provoqua en Argentine un surcroît d'activité rémunératrice dans le domaine agricole qui permit le remboursement des emprunts. Mais la crise générale de 1929 eut des répercussions catastrophiques sur l'économie argentine, dont l'équilibre reposait essentiellement sur les exportations des produits de l'agriculture et d'élevage, et provoqua une dégradation continue de la monnaie. La Banque hypothécaire dut accepter le remboursement et les intérêts de ses prêts en monnaie dépréciée, au moment même où une partie de ses obligataires, réunis en syndicat, lui intentait un procès afin d'obtenir en francs-or le service de leurs obligations. En octobre 1933, un moratoire hypothécaire, voté par le gouvernement argentin, suspendit pour 3 ans le remboursement des prêts échus et limita à 6 % le taux de l'intérêt ; il fut prorogé de deux ans en 1936.
La situation commença à s'améliorer à partir de 1937, mais la Banque avait réduit, pendant cette période difficile, le volume de ses investissements et avait été obligée de se porter acquéreur de gages saisis sur ses créanciers : elle était à la tête d'un important domaine rural, dont la gestion fut confiée, en partie, à une société filiale, la COMINDA (Compania de inversiones y mandatos, société anonyme) créée en 1938.
La Seconde Guerre mondiale amena à nouveau l'inflation et le régime instauré par le gouvernement né de la révolution de 1943 transforma profondément les conditions d'exploitation des sociétés étrangères installées en Argentine ; le transfert des bénéfices devint difficile et la législation fit peser des charges accrues sur les propriétaires des grands domaines. La Banque hypothécaire dut, en raison des risques monétaires, renoncer à ses opérations de crédit à long terme et consacrer une partie de ses disponibilités à la construction d'immeubles dans le centre de Buenos-Aires et dans sa banlieue ; mais la limitation des bénéfices qui en furent retirés provoqua, dès 1950, un changement d'orientation de ces investissements et l'absorption, en 1952, de la Compagnie générale financière France-Amérique latine (issue elle-même de la Compagnie générale de chemins de fer dans la province de Buenos-Aires, nationalisée en 1946) permit l'extension des activités de la Banque à des placements industriels et commerciaux.
Après le départ de Peron, en septembre 1955, la dégradation monétaire s'intensifia et l'Argentine traversa une période de crises politiques et économiques et de déficits budgétaires. La Banque hypothécaire, tout en poursuivant une politique de réalisation de son domaine immobilier, accrut ses participations dans des sociétés industrielles et commerciales, répondant ainsi aux besoins de trésorerie des entreprises et au développement économique du pays ; elle absorba par contrat d'apport-fusion du 3 mai 1960, la Compagnie financière de Rosario, société d'investissement qui avait pris la suite de la Compagnie du chemin de fer de Rosario à Puerto-Belgrano lors de la nationalisation de cette dernière en 1947. La Banque continua, toutefois, de procéder à la réalisation de ses actifs et à la cession progressive de son portefeuille contre des valeurs canadiennes et américaines ; les disponibilités ainsi créées ne pouvant suffire à la création d'une nouvelle activité, la Banque hypothécaire fusionna avec la Compagnie financière de Suez et de l'Union parisienne par acte sous-seing privé du 3 avril 1970.
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La Banque hypothécaire franco-argentine absorba au cours de son existence deux sociétés, dont les archives font partie du fonds confié aux Archives nationales puis aux Archives nationales du monde du travail :
1. La Compagnie générale de Chemins de fer dans la province de Buenos-Aires avait été constituée le 3 avril 1905, au capital de 36 millions de francs en vue de la construction et de l'exploitation d'un réseau ferré à voie d'un mètre de large, d'une longueur de 1800 Km environ, dans la province de Buenos-Aires ; un Syndicat d'études pour la construction et l'exploitation d'un réseau de chemin de fer à voie étroite dans la République Argentine, formé par la Banque de l'Union parisienne, la Banque de Paris et des Pays-Bas et la Société générale de Belgique avait obtenu le transfert, par acte du 7 juin 1905, de la concession de ce chemin de fer qui avait été accordée à deux propriétaires argentins (Romulo Otamendi et Casimir de Bruyn) par loi du 26 septembre 1904, et un accord fut signé entre le gouvernement argentin et la nouvelle société le 16 juin suivant.
Le siège social fut fixé à Paris : au 5 rue Chauchat, puis 9 rue Chauchat (1922), 32 rue Le Peletier à partir de 1924, à nouveau 9 rue Chauchat en 1933 puis 11-16 rue le Peletier pendant les années de la Guerre (1942-1945).
Des difficultés diverses amenèrent sa mise en liquidation judiciaire le 22 septembre 1914, par jugement du tribunal de commerce de la Seine ; toutefois un concordat, accepté par les créanciers réunis en assemblée générale le 13 février 1919, homologué le 20 mai suivant, permit à la Compagnie de continuer son exploitation.
Le rachat des réseaux des trois compagnies françaises de chemins de fer en Argentine (Compagnie générale de chemins de fer dans la province de Buenos-Aires, Compagnie du Chemin de fer de Rosario à Puerto-Belgrano, et Compagnie des chemins de fer de la province, Santa-Fé) qui avait été prévu par les lois de concession, intervint à la suite d'un accord du 17 décembre 1946 conclu entre le gouvernement français et le gouvernement argentin. La part de la Compagnie générale de chemins de fer dans la province de Buenos-Aires représentait 29,39 % de la valeur totale de ce rachat. Il prit effet à partir du 1er juillet 1946, mais les Compagnies continuèrent à gérer les réseaux pour le compte du gouvernement argentin jusqu'au 1er novembre 1947, date à laquelle l'Institut argentin pour le développement des échanges commerciaux en prit possession. Les compagnies françaises de chemins de fer en Argentine subsistèrent sous la forme de sociétés d'investissement et la Compagnie générale des chemins de fer dans la province de Buenos-Aires fut transformée en Compagnie générale financière France-Amérique latine (plus couramment désignée par l'abréviation FAL et dont le siège social demeura au 16 rue Le Peletier (Paris, 9e)) ; elle fut absorbée par voie d'apport-fusion, à dater du 1er janvier 1952 par la Banque hypothécaire franco-argentine, qui étendit alors son objet social à des prêts industriels et commerciaux.
2. La Compagnie du chemin de fer de Rosario à Puerto-Belgrano créée le 4 décembre 1906, avait été également constituée par un groupe financier français, où figuraient Otto Bemberg et Cie, la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Société générale et Hersent frères et Cie - entreprise de Travaux publics. S'y ajouta également l'apport, par un propriétaire argentin, Diego de Alvear, de la concession que ce dernier avait obtenue du gouvernement argentin (par lois du 14-26 décembre 1903 et du 19-31 août 1904). Son capital d'origine était de 15 millions de francs et elle eut pour objet la construction et l'exploitation d'une ligne de 800 km environ d'un chemin de fer à voie unique (largeur des voies anglaises recoupées par la ligne, 1,676 m de large), qui devait traverser une région fertile et couper transversalement le tracé de plusieurs lignes construites par des compagnies anglaises. Son siège social était à Paris 19 rue Scribe, puis 11 rue Louis-le-Grand, transféré en 1913 au 22 rue Caumartin 9e.
L'insuffisance des recettes d'exploitation provoqua la liquidation judiciaire de la société le 29 mars 1914, et selon le concordat, homologué par le tribunal de commerce de la Seine le 16 avril suivant, la Compagnie obtint de rembourser ses créanciers au prorata de ses bénéfices annuels. Une participation au capital de la Compagnie du port de Bahia-Blanca lui permit, en 1930, d'éviter la main-mise de sociétés étrangères sur le terminus de sa ligne, au môle de Puerto-Militar.
La cession du réseau au gouvernement argentin, décidée conjointement avec celle des trois autres réseaux français en Argentine, représenta 15,34 % du prix total du rachat et fut approuvée par l'assemblée générale des actionnaires du 22 avril 1947. Les activités financières de la Compagnie furent continuées par la Société financière de Rosario-Puerto-Belgrano, dont le siège social demeura au 22 rue Caumartin à Paris et qui subsista jusqu'au 1er janvier 1960, date de son absorption effective par la Banque hypothécaire franco-argentine.