Cet collection de documents concerne les cheminots et la gestion du personnel de la région Est de la SNCF et notamment les Alsaciens-Lorrains, avec des archives plus anciennes de la Compagnie privée de l'Est à partir de 1921. Les conflits sociaux ont amené un échange administratif intense et très coordonné entre la Direction de l'Est et le siège de la SNCF (Service central du personnel), tous deux installés à Paris. La date la plus récente de ces dossiers est 1966.
L'intérêt du fonds est évident : on y apprend par exemple qu'il y eut un "Train-corsaire" en octobre 1948 sur la ligne Charleville/Rethel et Charleville/Givet aux mains des cheminots grévistes, l'histoire se terminant avec les gendarmes, puis devant le Tribunal administratif.
La grève des cheminots, dans la première moitié du XXe siècle, est un délit passible de la correctionnelle, puis une sanction administrative relevant des conseils de discipline et des tribunaux administratifs à partir de la création de la SNCF en 1938. Les conflits sociaux sont solidement encadrés par la hiérarchie cheminote, la police des chemins de fer et les forces de l'ordre avec le relais sur place des préfets à chaque extension des conflits.
Ce petit fonds traduit donc l'état des rapports sociaux de la première moitié du vingtième siècle dans un rouage stratégique de l'économie et des entreprises : le transport des personnes et des marchandises grâce à un moyen de locomotion qui demeure le plus usuel, dans 5 décennies marquées de surcroît du contexte de deux guerres mondiales.
Le syndicalisme cheminot, pourtant bien implanté, est contraint de pousser plus loin ses exigences quant aux libertés syndicales et droit du travail. Les dossiers montrent que la réunion sur le temps de travail et le lieu du travail est interdite, ce qui rend l'épisode du "Train-corsaire" riche de sens. Le fonds traduit aussi le sort peu enviable des Alsaciens-Lorrains, passés brutalement de la SNCF à la Reichsbahn, dans un environnement "de race" clairement affiché par les Autorités allemandes : seuls les Alsaciens-Lorrains de souche peuvent servir l'Etat allemand dans ce qui relevait de la Sous-direction de Strasbourg, les autres sont expulsés du réseau Est - quand ils ne sont pas directement internés en Allemagne - et récupérés tant bien que mal par les services de la SNCF dont on perçoit bien qu'elle passe les retours au crible. Enfin, le poids des dossiers de la mémorable grève d'octobre-novembre 1948 accompagnée de sanctions disciplinaires administratives et de plaintes en correctionnelle exprime bien les ratages idéologiques et sociaux de la période de la Reconstruction : la grève est motivée par les frustrations économiques des cheminots qui attendent de meilleures feuilles de paye, après les sacrifices et combats livrés sous la Résistance pour délivrer la Nation, à l'image des luttes des mineurs. Très peu de cahiers revendicatifs exigent le renversement du gouvernement en place, mais tous des mesures immédiates contre la cherté de la vie et pour l'instauration de l'échelle mobile des salaires.
Un dernier petit dossier de 1953 rappelle l'ancienneté des luttes pour la défense des retraites, à ce moment-là contre les décrets-lois Laniel.
Cet ensemble archivistique, de taille modeste, est un concentré de renseignements, souvent peu faciles à capter par l'archiviste, de relations humaines et de rapports sociaux. Le parcours du fonds entre les années 1970 et 2004 est, lui aussi, très symbolique.
