Marcel Boussac (1889-1980), fils d'un important négociant en textiles de Châteauroux est à l'origine du groupe Boussac. Il crée à Paris en 1911 le Comptoir de l'industrie cotonnière (CIC), société de traitement et de vente de textiles, qui prend une rapide extension dès avant la première guerre mondiale. S'en suit une impressionnante série d'acquisitions.
En 1913, il prend la direction (avec des parts importantes) de la Société d'impression des Vosges et de Normandie, la plus grande manufacture de tissus imprimés en France. Pendant la guerre, chargé des fournitures militaires à l'Intendance, il fait rouvrir les principales usines textiles des Vosges et crée une société de navigation pour l'importation des matières premières.
En 1914, il fonde, avec P. Lederlin, la Société d'importation du Nord et de l'Est, pour l'importation des matières premières.
En 1917, Marcel Boussac crée la Société générale du coton industriel (SOCO) pour l'exploitation des déchets.
En 1917, le CIC devient société anonyme et prend le contrôle de plusieurs filatures et tissages des Vosges.
En 1918, c'est la création de la Société d'impression du Nord et de l'Est, l'annexion de Warnod-Boigeol, et la fondation de l'Immobilière « La Fouilleuse » qui gérera la plupart des propriétés Boussac, notamment l'hippodrome de Saint-Cloud.
Les Manufactures de Senones dans les Vosges, autre société-mère du groupe, sont achetées en presque totalité en 1920. C'est la plus grosse affaire de filature, tissage et blanchiment de coton en France.
De 1920 à 1926, Boussac se consacre en priorité à l'organisation de ses deux principales sociétés (CIC et Senones). Il crée des usines d'égrenage, de manutention, en appliquant des méthodes de taylorisation. C'est aussi de cette époque que datent les premières sociétés du groupe en Afrique et en Orient (fondation en 1924 de la Société commerciale pour l'Orient).
Vers 1920, Boussac achète les Etablissements Rousseau, qui sont la plus grande manufacture de chemises en France. Hors du secteur cotonnier, il achète la manufacture de laine cardée de Drusenheim dans le Bas-Rhin (1920) et d'importantes parts dans la "Soie Vauban" (1922).
De 1923 à 1925, Boussac négocie l'achat de la majorité des parts de la Filature de coton, lin et métis de Zyrardow en Pologne : les accords entre le groupe Boussac et les actionnaires polonais ayant été dénoncés en 1934, l'usine sera mise sous séquestre, l'affaire polonaise se terminera en 1936 après un retentissant procès.
En 1929, c'est l'acquisition des Manufactures de confection du Centre (Châteauroux), spécialisées dans les vêtements de travail.
En 1931, création de la Société industrielle textile et de la Société immobilière textile ; en 1932, fondation de Giliana à Constantine, de l'Omnium textile du Sud-Ouest, et achat de la manufacture de Buhl à Cernay ; en 1933, entrée dans le monde de la presse avec l'achat des Cahiers de la Jeunesse, achat de la Manufacture d'impression de Wesserling, création de Texta à Alger et de la Société économique textile du Nord (chaîne de magasins). Les établissements Laederich passent sous le contrôle du groupe en 1934. En 1935, Boussac reprend la société Mondia (voyages, tourisme, transports), crée la Société française des ouates et cotons et achète la chaîne parisienne de magasins de tissus "Le Pauvre Jacques" (ancienne Compagnie commerciale des pays du Nord : rebaptisée "À la Toile d'Avion", elle devient le principal organe de vente du CIC). Il fonde en 1936 la société financière Miradia. Les années 1935-1936 sont aussi celles de l'annexion des importants établissements Jalla, spécialisés dans les tissus éponge, et des filatures alsaciennes Kahn, Lang et Manuel.
En 1937, se créent les sociétés africaines Texaf et Cotonaf, et SO-CO Ltd ; en 1939, la Société d'impression coloniale. En 1942, M. Boussac annexe la Société Emile Fumat et frères, et vers 1944, la Société Emile Collot.
À la veille de la seconde guerre mondiale, l'affaire Boussac est solidement structurée :
- Le CIC, au départ spécialisé dans l'écru, a étendu son activité aux cotons de couleur et imprimés : filature, tissage, teinture en fil et en bourre, apprêt, grattage. Il possède des comptoirs de vente et contrôle une vingtaine de sociétés.
- Les Manufactures de Senones traitent le "blanc classique" : filature, tissage, blanchiment et impression. Le tissage de Julienrupt, rattaché à Senones, se spécialise dans le linge de maison en métis et en lin. Senones compte une dizaine de sociétés.
- La Société générale du coton industriel (SOCO) et ses filiales traitent les déchets de coton produits par les filatures pour les transformer en ouates.
- D'autres établissements du groupe jouent un rôle important dans la production, mais ne sont pas rattachés à ces sociétés-mères ; ils font partie des "indépendants" : ce sont la filature vosgienne de Drusenheim, spécialisée dans la laine cardée ; la manufacture de Châteauroux et la manufacture Rousseau de Paris, fabriquant respectivement des vêtements de travail et des chemises ; et les établissements normands Desgenetais qui seront fournisseurs de tissus militaires pour l'Intendance pendant la seconde guerre mondiale.
À ces principales affaires il faut ajouter un certain nombre de sociétés de moindre envergure rattachées au groupe Boussac : en 1946, c'est au total 57 sociétés que comprend le groupe. Ce sont en majorité des sociétés de production et de vente de textile en métropole et outre-mer, auxquelles s'ajoutent quelques sociétés de gestion immobilière ou financière et une revue (Les Cahiers de la Jeunesse).
En 1947, le CIC se transforme en SARL, avec pour actionnaire unique Boussac. Le CIC regroupe dès lors sous son contrôle l'ensemble des sociétés du groupe.
À l'issue de la guerre, le nombre des sociétés s'accroît très rapidement, et leurs activités se diversifient. Beaucoup des sociétés annexées ou créées n'ont rien à voir avec l'activité textile, notamment les sociétés civiles immobilières fondées pour la gestion de propriétés personnelles ou de biens mis au nom de sociétés du groupe. En 1944, sont créées la SCI du 32, avenue Montaigne, et la coopérative d'achats Toircoton, destinée à faciliter le ravitaillement du personnel du groupe.
En 1946, Boussac négocie avec Bendix la création de "Bendix français" (Bendix Home Appliances France). La même année sont créées les SCI de la rue de Chézy et de Château-Bineau, et la Foncière des Aigles, qui gère le centre de vacances du groupe Boussac ; en 1946 sont également annexées la Société Nicolas Géliot (gestion d'actions) et la Société Christian Dior. Les tissages normands Desgenetais, où Boussac avait déjà d'importantes participations, sont absorbés la même année.
1947 est l'année de la création de Covel SARL, du Comptoir des cotonnades marocaines, de la Société générale des textiles, de Dior parfums (avec la participation de Moët-et-Chandon) et Dior USA, de Tissgar et Rosine Deltour Amérique, de la SCI Bellefonds-Rochechouart, ainsi que de l'annexion de la Manufacture alsacienne de tapis.
En 1948, sont rattachés les Moulinages du Cros, l'Organo-synthèse alsacienne. Plusieurs sociétés immobilières sont créées : celles des villas Clover et Teddy Chantilly, de la place Adolphe-Chéroux, et de l'Immobilière Alma.
En 1949, sont annexés les établissements Cobrat et Cie et les Magasins généraux de Marcq-en-Baroeul. La même année voit la création de sociétés financières (Elgia, SO-PAR-FIN-CO) ou immobilières (SCI du 72, avenue Foch).
En 1950, l'« empire textile » est constitué. Les sociétés annexées ou créées à partir de cette date sont en très grande majorité des sociétés immobilières et financières, gérant les biens de Marcel Boussac ou de son groupe, ou des sociétés exerçant leur activité hors du monde du textile.
En 1950, sont créées les SCI du 24, rue d'Artois et de la villa Les Glycines-Chantilly, ainsi que la Société commerciale aérienne du littoral, qui gère les avions destinés au transport des chevaux de M. Boussac et à l'usage de Dior Amérique.
1951 est une date marquante dans l'histoire du groupe Boussac: il prend le contrôle de l'Aurore et de ses satellites de presse (Paris-Turf, Sport Complet). La SCI du 13, rue François Ierest créée la même année.
En 1952, sont créées la Compagnie électro-domestique, la Société foncière et mobilière, la Société financière Parfinan. Robert Boussac, frère de Marcel Boussac, reprend la société d'éditions Robeyr (lectures pour la jeunesse et promotion en France des œuvres de O. Henry). Le groupe contrôle aussi les éditions Boucherit.
En 1953, le groupe rachète les établissements Vernet et crée la société de construction SO-PAR-CO-DHA, les sociétés immobilières de la villa Le Ravin et du 107, rue Armand-Sylvestre et une société d'archivage.
En 1956 l'achat du journal Le Petit Parisien" vient couronner la politique de contrôle de la grande presse, qui s'ajoute au quasi-monopole de la fabrication et de la vente des tissus. Cette emprise marque l'apogée de l'"empire Boussac". On voit se multiplier au sein du groupe des sociétés civiles mobilières et immobilières qui n'ont pour objet que l'achat et la gestion de biens appartenant à M. Boussac ou à son groupe : immeubles, haras, avions, au total près de 30 sociétés entre 1946 et 1960. Les sociétés étaient numérotées à leur entrée dans le groupe ; le dernier numéro d'entrée relevé dans les archives est 110 (Société textile et cotonnière de Dakar).
De 1954 à 1957, les rachats et créations se ralentissent : création de la SCI La Pergola et achat de Pierre Clarence (1954), création de Dior Ltd Londres et de la SCI Char-Bois (1955), de la société financière Jacomar (1956), de la société de recherches pétrolières Francarep (1957). On peut considérer que les dernières grosses opérations du groupe sont la prise de contrôle du Petit Parisien en 1956 et l'absorption du groupe textile Laederich en 1966.
Le groupe, dès sa création, fonctionne de façon "pyramidale", M. Boussac contrôlant de très près les activités de ses sociétés par l'intermédiaire d'un fondé de pouvoirs, M.Roy, d'une attachée, Mme Helbois, et de collaborateurs dont certains sont des membres de sa famille : ses frères Robert et Raymond, son beau-frère M. Aupetit, toute information remontant au sommet sous forme de "notes à M. Marcel". Cette forte personnalisation de l'entreprise implique qu'il est souvent difficile de distinguer les biens propres de l'industriel des biens de ses sociétés, et que certains procès d'affaires prendront l'apparence de procès contre la personne (affaire Weil, affaire des actions Rousseau, affaire Zyrardow, affaire Lazurick-l'Aurore).
Les années 1960 et 1970 sont celles du déclin pour le Groupe Boussac qui ne parvient pas à s'adapter à la crise du secteur textile. En 1978, les différentes filiales du Groupe sont placées en redressement judiciaire et rachetées pour 700 millions par le groupe Agache-Willot, par le biais de la société Saint Frères. C'est la création de la société Boussac-Saint Frères, filiale qui réunit les activités industrielles d'Agache-Willot, et dont le siège social est à Lille.
En 1981, un an après la mort de Marcel Boussac, Boussac-Saint Frères puis le holding Agache-Willot sont eux-mêmes mis en règlement judiciaire, cette mesure concernant 80 usines réparties dans les Vosges, le Nord et la Normandie (22 000 salariés). Après 3 années de négociations et d'aléas judiciaires ou financiers, pendant lequel l'État soutient la poursuite des activités de Boussac-Saint Frères par le biais de l'Institut de développement industriel, Bernard Arnault (par l'intermédiaire du groupe immobilier Ferret-Savinel) et un consortium bancaire reprennent la majorité du holding. Le Groupe Boussac disparaît alors définitivement, progressivement restructuré et démentelé.