Notice descriptive
Entretien d’Éric Dumont, président du directoire du groupe Pomona.
- Présentation du témoin (00:00:00 - 00:00:19). Éric DUMONT est Président du Directoire du Groupe Pomona depuis 2009.
- Description du poste (00:00:20 - 00:00:59). Éric DUMONT présente Pomona, une entreprise privée à capitaux familiaux avec une...
- Présentation du témoin (00:00:00 - 00:00:19). Éric DUMONT est Président du Directoire du Groupe Pomona depuis 2009.
- Description du poste (00:00:20 - 00:00:59). Éric DUMONT présente Pomona, une entreprise privée à capitaux familiaux avec une gouvernance avec un conseil de surveillance composés des actions dont ceux de la famille qui possède 75% du Capital. L'entreprise est opérationnellement dirigée par un directoire (et un Comité exécutif), qu'il dirige, où ne figure aucune personne de la famille.
- Activités de Pomona (00:01:00 - 00:01:31). Éric DUMONT précise que Pomona opère dans la distribution de produits alimentaires pour la restauration et les commerces de bouche. Ils achètent, vendent et distribuent des produits alimentaires pour les restaurants, les commerces de proximité (boulangers-pâtissiers, bouchers-charcutiers-traiteurs, primeurs, poissonniers). Maillon de la chaine alimentaire entre les producteurs, l'industrie agro-alimentaire, les fabricants et commerçants.
- Prise conscience de la gravité de la situation (00:01:32 - 00:02:50). Éric DUMONT évoque le démarrage de l'épidémie en décembre 2019 en Chine. Courant février émergent les premières inquiétudes avec l'arrivée du virus en Italie car ils ont des fournisseurs italiens. Il y eut des questionnements d'abord par le client sur l'organisation mais aussi par des collaborateurs qui voyaient des choses arriver. Une cellule de crise a été mise en place dès mi-février et il précise que cela n'est pas inhabituel dans l'agro-alimentaire (exemple du scandale de la viande de cheval). Il ajoute que l'on pensait que c'était relativement lointain et que la France ne serait pas atteinte aussi rapidement.
- Premières réactions (00:02:51 - 00:04:24). La réaction a été rapide, car tout s'est fait en trois jours. Éric DUMONT note l'importance de se souvenir de la chronologie des faits qui a été frappante. Le jeudi 12 mars, Emmanuel Macron annonce la fermeture des écoles le lundi suivant. Et c'est donc la restauration collective scolaire qui était impactée, soit un pan important de leur activité. Puis, le samedi soir à 19h30, Edouard Philippe annonce la fermeture des restaurants et des bars à minuit. C'est 40% de leur chiffre d'affaire. Et enfin, le lundi 16 mars, Emmanuel Macron annonce le confinement, et donc rester chez soi et ne pas travailler en entreprise, ce qui signifie la fermeture des cantines d'entreprises et de la restauration collective. Ainsi, en 4 jours, Pomona a perdu 60% de leur chiffre d'affaires. C'est à ce moment que Pomona s'est rendu compte de la violence de la crise, de manière réelle.
- Premières décisions fortes prises (00:04:25 - 00:08:01). Éric DUMONT évoque les décisions immédiates et naturelles à très court terme. Il y a eu une décision rapide avec le Comité exécutif établissant 3 objectifs. Tout d'abord, continuer à servir les clients (40% du chiffre d'affaires restant) de la restauration collective dans le domaine de la santé (hôpitaux, maisons de retraites, EPHAD), les commerces de proximité (avec un rebond). Ensuite, préserver la santé des collaborateurs, car c'est la responsabilité du chef d'entreprise, tout en garantissant le service rendu aux clients en toute sécurité. Les collaborateurs ont été équipés de masques, de gel et de gants (30-40% des collaborateurs sur un effectif total de 11 000 personnes).
Éric DUMONT explique que, vendant des masques aux clients de la restauration collective (pour la fabrication des plats dans les laboratoires par exemple), il a été possible d'équiper les équipes avec le stock existant, tout en achetant des masques en Chine. Enfin, le dernier objectif consistait à limiter l'impact de la crise sur le compte exploitation (point très important pour une entreprise commerciale). Il précise qu'il y a eu des mesures immédiates de réduction de coûts (les intérimaires, les prestataires, les CDD ont été arrêtés immédiatement) et que le recours au chômage partiel a été massif, le gouvernement ayant mis en place des mesures très rapides et utiles. Sans ces mesures, la situation aurait été très compliquée. - Réorganisation du travail (00:08:02 - 00:10:34). Éric DUMONT affirme que c'est un point intéressant et important. Le chômage partiel fut perçu comme un remède miracle mais il précise que 10 000 personnes, sur un effectif total de 11 000, travaillent sur le terrain et ne peuvent donc pas télétravailler. Il cite plusieurs exemples. Ce fut compliqué pour les collaborateurs de voir le télétravail partout ailleurs, mais de ne pas pouvoir le faire eux-mêmes dans un contexte anxiogène vis-à-vis de la maladie au quotidien. Il a fallu les rassurer pour qu'ils viennent travailler. Le management de proximité et les équipes ont réussi avec les mesures de protection mises en place. En revanche, les emplois au siège et en back-office ont été massivement mis en télétravail. C'est pour lui, une leçon à retenir, la mise en place du télétravail s'est bien déroulée même si l'entreprise n'était pas prête, du fait d'un mode de fonctionnement ancien et du manque d'outils à disposition. Éric DUMONT insiste sur l'équipement rapide en ordinateurs portables et outils, comme Teams. Ils ont appris "sur le tas" à faire du télétravail et il y a encore de l'adaptation à faire. Ils n'ont pas eu le choix.
- Modes de communication aménagés (00:10:35 - 00:11:57). Éric DUMONT explique sa volonté de la présence au siège les quinze premiers jours du Comité exécutif. A l'occasion d'une crise inédite, il souhaitait que tous soient disponibles pour mettre en place des mesures exceptionnelles (ex. : chômage partiel pour 4000-5000 personnes en quelques jours). Il note le besoin d'interagir au quotidien avec des réunions tous les jours sur les points très opérationnels. Ensuite chacun a respecté le confinement, suite au devoir d'exemplarité demandé par les pouvoirs publics. Il ajoute la mise en place de modes opérationnels différents : réunions par Teams trois fois par semaine, une fois la première urgence passée.
- Changements qui vont perdurer (00:11:58 - 00:16:54). Éric DUMONT évoque trois changements importants à retenir de ce confinement et à mettre en place dans les années à venir. Tout d'abord, un certain nombre de process (gestion de la paie, recouvrement des créances, suivi des effectifs) ont manqué de précision et de rapidité pendant la crise. Le Groupe Pomona est décentralisé donc habitué à fonctionner régionalement mais pas centralement.
Le télétravail ensuite, même si à titre personnel Éric DUMONT ne l'approuvait pas, a bien fonctionné. Ce nouveau mode de fonctionnement sera à adapter (notamment pour un équilibre de la vie personnelle et le maintien d'une vie sociale au travail), sera installé de manière pérenne, selon les fonctions éligibles ou non. Il s'agit de repenser les modes de management et de gestion des outils (inégalités matérielles). Éric DUMONT note le franchissement d'un point de nom retour sur ce sujet.
Enfin, le portefeuille d'activité du Groupe doit être rééquilibré d'un point de vue stratégique. Il évoque la collaboration dans la restauration (Sodexo, Elior, Compas), les chaînes d'hôtels (Accor), et les restaurants et commerces indépendants. Précédemment, la restauration collective constituait leur axe principal, mais depuis 15 ans, l'activité dans la restauration commerciale indépendante se développe, afin de rééquilibrer le portefeuille et éviter de trop dépendre d'un petit nombre de gros clients. Ces derniers ne représente plus que 7% du chiffre d'affaires du Groupe aujourd'hui.
Éric DUMONT revient sur le confinement et la fermeture globale et ajoute que rien n'était prêt pour tempérer le risque. Il note donc qu'il faut intégrer ce fait et anticiper ce type de risque qui pourrait devenir régulier. - Plus belle victoire ou réussite (00:16:55 - 00:26:00). Éric DUMONT évoque son rôle de Président et du Comité exécutif pendant la crise, notamment sa relation avec les actionnaires qu'il a dû rassurer, sans disposer de visibilité sur la sortie. Il a maintenu une relation de confiance avec le Président du conseil de surveillance. Il précise que le pilotage de la ressource financière a été fondamental (beaucoup de charges et peu de revenus), alors qu'il fallait acheter des produits pour les revendre (ex. : Danone) aux 40% des clients actifs. Il insiste sur la difficulté de payer les collaborateurs, l'immobilier, les masques... La surveillance du recouvrement de la créance n'a pas été évidente. Il note le travail sur les factures des clients, sans recettes, les échéanciers de paiement et l'emprunt d'argent via le prêt garanti par l'Etat à hauteur de 90%, en passant par le comité de crédits à la banque. Il précise que même sans endettement, leur banque a été réticente.
Éric DUMONT évoque la motivation des équipes, qui a été très difficile, avec la décentralisation et le manque de personnes sur le terrain. Des solutions ont été trouvées avec un management local des directeurs généraux, la mise ne place de nouveaux modes de communication (notes "fil info Pomona" chaque semaine sur l'actualité du groupe, prises parole via vidéo et séances QNA avec les managers). De plus, la rémunération variable importante a engendré une inquiétude des salariés concernant leurs primes.
Éric DUMONT termine avec la préparation du déconfinement progressif par zones, et l'accent mis sur le redémarrage, en surinvestissant. Et cela a fonctionné. - Fierté (00:26:01 - 00:27:10). Éric DUMONT mentionne les équipes, qui n'ont jamais lâché prise, quel que soit le grade et les niveaux des collaborateurs (ex. : préparateurs de commandes qui gagnent le SMIC). Il précise qu'il y a eu des échanges sur les situations personnelles des collaborateurs (famille, activités...). Il fallait de la motivation pour tenir et il y a eu une alchimie et des bonnes pratiques, ainsi que de des valeurs partagées. Il termine en affirmant que tout le monde fut soudé pendant la crise.
- Actions déconfinement (00:27:11 - 00:28:26). Éric DUMONT évoque le surinvestissement et le chiffre d'affaires, qui a remonté progressivement. Il note qu'en 15 jours des écarts ont été constatés entre la province et Paris et cite l'exemple des écoles. Il rappelle l'arrêt et le chômage partiel, puis la reprise des équipes. Il évoque aussi le remboursements des clients qui fut adapté cet été. Et il ajoute que ce fut un bel été qui a bien fonctionné, ce qui a compensé les difficultés de mars, avril et mai 2020.
- Impact premier confinement sur stratégie de l'entreprise (00:28:27 - 00:33:33). Éric DUMONT aborde l'impact peu réel sur la stratégie aujourd'hui. Il évoque la réflexion sur le rééquilibrage du portefeuille des activités. Cela a forcé à réfléchir mais il ajoute que l'on ne va pas inventer un nouveau métier. Il précise ensuite trois points dans le mode de gouvernance : le rôle du dirigeant de garder la tête froide et séparer ce qui est structurel de ce qui est conjoncturel, le bilan à établir sur les changements (livraison de repas à domicile, menus différents, adaptation de la carte et des contenants...), le télétravail qui impacte le fonctionnement des cantines. Il note que l'organisation de Pomona les a conforté sur la décentralisation opérationnelle encadrée. Il évoque la notion de responsabilisation. Il évoque le mode de gouvernance de l'entreprise, qui n'est pas cotée en Bourse, ce qui est une fierté et un confort, compte tenu de la situation. Cependant, les actionnaires veulent du rendement, de la performance et de la croissance. Mais il perçoit de la flexibilité à moyen terme.
- Appréhension des prochains mois avec deuxième confinement (00:33:34 - 00:37:45). Éric DUMONT précise qu'en septembre 2020 lorsqu'il a accepté de participer au projet de collecte, tout allait bien. C'était la fin de l'exercice fiscal, avec le constat d'une baisse du chiffre d'affaires 2020 de 20%. Le résultat a été divisé par deux mais il n'y a pas eu de perte d'argent. Il affirme donc qu'ils sont repartis très conquérants sur 2021. En septembre, il a fait le tour des équipes et a rencontré plus de 500 cadres, afin d'expliquer et de donner de la visibilité pour la suite. Il savait qu'il y aurait une deuxième vague, mais avec incertitude. Or, le deuxième confinement est plus violent que le premier dans son domaine. C'est paradoxal, car l'impact sur l'activité est moindre, avec 40% de retrait, mais le moral des équipes est pire.
Éric DUMONT aborde la crise des restaurateurs et note que l'opérationnel a progressé avec les changements et mesures prises, mais il faut regonfler le moral des équipes. Actuellement, au 18 novembre 2020, la situation est difficile, avec l'annonce de la réouverture des restaurants mi-janvier 2021. Il est convaincu que le métier ne va pas disparaitre car les Français ont besoin de manger et aiment aller au restaurant avec leurs amis ou collègues et se faire plaisir. Il estime que l'activité va revenir, comme à l'été 2020, mais ne saurait dire quand cela va reprendre et pense avoir encore une année très compliquée à gérer. - Conclusion sujets à aborder (00:37:46 - 00:39:11). Éric DUMONT ajoute qu'il s'est rendu compte de la crise via les syndicats interprofessionnels, avec un rapprochement avec ses concurrents, du fait de partager la même situation difficile. Il y a donc plus de contacts que d'habitude, ce qui est nouveau et éventuellement perdurer (ex. : ouverture des restaurants, lobbying, etc.). Cependant le secteur demeure faible face aux ministères, par rapport à d'autres professions.
- Pourquoi avoir accepté de répondre à cet entretien (00:39:12 - 00:40:37). Éric DUMONT a accepté de répondre parce qu'il été sollicité par quelqu’un qu'il connait bien et qu'il apprécie. Il ajoute qu' au-delà de ça, il a accepté peut-être parce qu'il pense qu'on ne se souviendra que partiellement de cette crise dans plusieurs années, compte tenu de la capacité à oublier les mauvaises nouvelles, assez rapidement. Il note que chacun d’entre nous ne va retenir que certains aspects, qui nous ont marqué personnellement ou professionnellement. Ainsi, il serait utile de se souvenir de l'exhaustivité de ce qui s’est passé, notamment de cette chronologie qui l'a frappé en quatre jours, du 12 au 16 mars 2020. Pour lui, les dates sont là et il n'est pas prêt de les oublier.
Philippe Dumont devient président du directoire de Pomona en 2018. Créé en 1912, Pomona est spécialisé dans la distribution de produits destinés aux professionnels de la restauration.
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Toute exploitation d’extrait est soumise à l’autorisation préalable des ayants droit. Elle devra faire mention du projet « Mémoire des entreprises au temps de la covid-19 » et de ses partenaires, en les citant. L’exploitation commerciale de ces...
...Toute exploitation d’extrait est soumise à l’autorisation préalable des ayants droit. Elle devra faire mention du projet « Mémoire des entreprises au temps de la covid-19 » et de ses partenaires, en les citant. L’exploitation commerciale de ces enregistrements entraînera une négociation entre les coauteurs et le diffuseur.