Notice descriptive
Société métallurgique de Senelle-Maubeuge.
La Société métallurgique de Senelle-Maubeuge résulte de la fusion opérée le 5 octobre 1883 entre la Société des Hauts-Fourneaux du Nord et de la Société d’Huart Frères. Le nouvel ensemble réunissait ainsi les concessions minières situées à...
La Société métallurgique de Senelle-Maubeuge résulte de la fusion opérée le 5 octobre 1883 entre la Société des Hauts-Fourneaux du Nord et de la Société d’Huart Frères. Le nouvel ensemble réunissait ainsi les concessions minières situées à proximité de Longwy de la première et l’usine de fonte, située à Senelle, de la seconde. Sa création est l’œuvre des barons Hippolyte et Fernand d’Huart, maîtres de forges lorrains. Dans une allocution de 1939, Maurice de Wendel explique la logique industrielle à l’œuvre : « affaire de famille, Senelle avait rapidement grandi au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Comme d’autres sociétés de la région, elle avait longtemps vécu de la production de ses hauts-fourneaux. Mais l’orientation des forges lorraines s’était profondément modifiée depuis l’invention du procédé Thomas Gilchrist et les propriétaires de hauts-fourneaux étaient nécessairement amenés soit à construire des aciéries et des laminoirs, soit à contracter des alliances avec des usines consommatrices de leur fonte » (1).
Aussi la Société absorbe-t-elle en 1902 les installations industrielles des Hauts-Fourneaux de Maubeuge puis crée, en 1906, la Société des Mines de Jarny pour exploiter une concession minière de grande qualité. Après avoir fait l’essai d’une aciérie Talbot, les barons d’Huart décident de doter l’usine de Senelle d’une aciérie Thomas et d’une aciérie Martin, avec laminoirs et équipement moderne. Pour cela, Hippolyte d’Huart recrute en janvier 1908 à la tête de Senelle un ingénieur métallurgiste issu de Centrale Paris, Auguste Dondelinger (1876-1940)(2). En 1912, l’usine de Senelle compte cinq hauts-fourneaux, quatre convertisseurs, un blooming et deux trains de lamineurs ; l’usine de Maubeuge reçoit de Senelle les matières premières nécessaires à ses fabrications. Enfin, dans le but d’assurer ses approvisionnements en combustibles, la Société prend une part prépondérante dans une cokerie coopérative construite en 1911 à Sluiskil-Terneuzen, la Société Zélandaise de Carbonisation.
Le décès prématuré d’Hippolyte d’Huart en 1912, en pleine réorganisation technique et financière de la Société, marque le début du règne d’Auguste Dondelinger : il en devient Administrateur-Directeur-Général, fonctions qu’il assume jusqu’à sa mort en 1940. La Société, après la mort de son fondateur, poursuit sa croissance : elle absorbe en 1912 la Société des Forges et Hauts Fourneaux de Villerupt-Laval-Dieu dans les Ardennes, une usine située près de Monthermé et consacrée au laminage des tôles minces. « À ce moment, le potentiel quasi définitif de la Société se trouvait rassemblée » (3). Elle bénéficie alors de la conjoncture économique extrêmement favorable de la Belle Époque. C'est dans ce contexte que la Maison de Wendel prend une participation dans Senelle-Maubeuge : elle souscrit en 1913 4 000 actions nouvelles – qui portent le capital de 12 à 14 millions de francs –, soit 14,3 %.
La Première Guerre mondiale éprouve durement une firme que sa situation géographique expose à l’invasion allemande. Sa direction est affaiblie par la mobilisation d’Auguste Dondelinger dès août 1914. Rapatrié en 1917, celui-ci engage Senelle-Maubeuge dans la mobilisation industrielle en faisant l’acquisition des petites forges de Fécamp (Seine-Maritime) et de Manois (Haute-Marne), assez éloignées du front pour ne pas être exposées aux bombardements allemands.
Après la guerre, Auguste Dondelinger, assisté d’un autre ingénieur métallurgiste, Henri Lallement, entreprend de remettre en état de marche les installations industrielles de Senelle-Maubeuge en instaurant entre elles une meilleure complémentarité : les établissements de Maubeuge et Laval-Dieu sont spécialisés dans le laminage des demi-produits approvisionnés à partir de l’usine de Senelle, qui concentrait la production d’acier de la société. Cet effort s’accompagne d’une réorganisation financière qui pousse plus loin l’intégration de l’ensemble : fusion en 1922 avec la Compagnie des mines de Douchy, charbonnage du Bassin du Nord qui doit consolider ses approvisionnements ; rachat des actions des mines de Jarny ; renforcement des participations dans divers établissement, notamment dans Escaut-et-Meuse, pour faciliter l’écoulement des demi-produits laminés à Senelle. Acquis au paternalisme, Auguste Dondelinger a développé les œuvres sociales de la Société de Senelle-Maubeuge en créant en faveur du personnel un régime de pensions, des logements, des sociétés sportives, des colonies de vacances, des patronages ainsi que l’église Notre-Dame de Senelle.
Le 23 octobre 1953, la Société métallurgique de Senelle-Maubeuge et sa filiale, la Société des Mines de Jarny, font apport de leurs actifs industriels à Lorraine-Escaut et se transforment en holding. Lorraine-Escaut a reçu les actifs industriels de Senelle-Maubeuge, des Aciéries de Longwy et d’Escaut-et-Meuse. Pour simplifier ses structures, Senelle-Maubeuge absorbe finalement le 9 décembre 1960 les Mines de Jarny, dont elle possédait la presque totalité du capital.
De 1913 jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la participation de la Maison de Wendel (par le biais des Petits-Fils de François de Wendel et Cie, de Wendel et Cie et, dans une mesure très modeste, ORNAS) oscille entre 13 et 17 % du capital de Senelle-Maubeuge. Elle chute à 11,70 % en 1955 après diverses souscriptions et cessions. Ce n’est que dans les années 1970-1980 qu’elle monte en puissance jusqu’à ce que le Groupe Wendel prenne le contrôle de la Société : la CLIF détient 36,15 % du capital en 1975 ; la participation de CGIP au moment de sa création en 1978 se situe à un niveau équivalent, mais elle monte à 48 % en 1984 puis 52,48 % en 1989.
En 1990, CGIP cède Senelle à Marine-Wendel qui en prend le contrôle direct : de 52,5 % en 1990, la participation de Marine-Wendel passe à 68,1 % en 1992. La Compagnie financière de Senelle est absorbée en 1992 par Marine-Wendel dans le cadre d’une politique de simplification des structures du Groupe par la réunion de deux sociétés ayant une vocation similaire (prendre des participations dans des affaires industrielles, commerciales et financières de toute nature). Le contrat de fusion, adopté par les Conseils d’administration des deux sociétés le 20 octobre 1992, a été approuvé par leurs assemblées générales le 15 décembre suivant. Ainsi disparaissait la raison sociale d’une Société plus que centenaire.
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(1) Allocution de Maurice de Wendel, « Remise de la Médaille d’Honneur du Travail le 8 janvier 1939 à Monsieur Dondeligner, Vice-Président et Directeur Général, par Monsieur M. de Wendel, Président du Conseil d’administration », plaquette, 1939, p. 4.
(2) Né à Kayl (Luxembourg) le 22 août 1876, Auguste Dondelinger intègre l’École Centrale en 1897 ; il en sort major de la spécialité de métallurgiste en 1900 et débute sa carrière à l’aciérie Thomas de Dudelange avant d’entrer aux Aciéries de Neuves-Maisons (1901). Après un passage aux Forges de Commentry (1903), il retourne à Neuves-Maisons (1905) avant d’être recruté par Senelle-Maubeuge (1909), dont il devient Administrateur-Directeur-Général. Naturalisé en 1912, il est mobilisé dès le 2 août 1914 et participe à la défense de la citadelle de Longwy avant d’être fait prisonnier. En 1922, il devient membre de la Chambre de Commerce de Nancy où il est plus spécialement chargé des transports ; à partir de 1923, il siège à la Commission de Direction du Comité des Forges de France. Il est également membre du Comité directeur du Comptoir sidérurgique de France et de la Commission Internationale des Cokes ; en 1925, il prend part aux négociations de l’accord franco-allemand. Il fut enfin président de Carbenzol, société groupant les propriétaires de fours à coke métallurgique producteurs de benzol. Chevalier de la Légion d’Honneur, décoré de la Croix de guerre en France, il a également été fait commandeur de la Couronne de chêne de Luxembourg et consul de ce pays à Longwy. Il meurt à Paris le 28 mars 1940 (source : nécrologie dans Revue de la métallurgie, n°6, juin 1940, p. 177-178). Sa fille, Raymonde, épousa Jean Bichelonne (1904-1944) en 1934, ingénieur du Corps des Mines qui devint Directeur général adjoint des aciéries de Senelle-Maubeuge en 1938-1939 puis administrateur-délégué en 1941. Après avoir été directeur du cabinet du ministre de l’Armement, Raoul Dautry, dans le gouvernement Reynaud, il a basculé, après la défaite, dans la collaboration économique avec l’Allemagne nazie (il fut secrétaire d’État à la Production Industrielle entre 1942 et 1944).
(3) Jean Droulers, Senelle-Maubeuge, 1883-1983. Cent ans d’activité, plaquette commémorative, p. 7.