La Société minière et coloniale de l'Ouest africain et la Société anonyme des drages aurifères du Tinkasso sont très liées, en raison de leurs objets complémentaires (la recherche et de l'exploitation de gisements de métaux précieux, en particulier l'or et le platine) et du fait que leurs administrateurs principaux sont les mêmes.
La Société minière et coloniale de l'Ouest africain, créée en commandite simple le 26 mai 1903, au capital de 900.000 francs au début du XXe siècle, peut être considérée comme une société d'études. Néanmoins, son capital a été augmenté plusieurs fois et ses résultats sont prometteurs. Ses fondateurs ont voulu rester dans une situation d'attente, en raison des riches et nombreuses découvertes réalisées par les missions envoyées en Afrique et en Amérique du Sud. La mise en valeur de ces découvertes devait apporter de très beaux bénéfices d'autant que le capital de la Société n'a jamais été augmenté dans de trop grandes proportions (cf. assemblée générale des actionnaires du 9 juillet 1908).
Les prospections du minerai d'or se sont déroulées avec des permis de recherches des autorités officielles françaises :
- dans la colonie du Haut-Sénégal et du Niger, province du Manding et du Bambouck (rivières aurifères à draguer) sur une superficie de 28.109 hectares,
- dans la colonie de la Côte d'Ivoire (rivières aurifères à draguer près de la cote et zone pétrolifère) sur une superficie de 62.821 hectares,
- dans la colonie de la Guinée française : en Haute-Guinée (Ancien Soudan) dans les rivières aurifères à draguer, en Guinée centrale (bord occidental du Fouta Djalon) avec des gisements aurifères et du minerai de zinc ainsi que de la bauxite-aluminium et la cote de Guinée aux alentours de Konakry avec un important gisement de fer sur une superficie de 371.044 hectares.
- dans la colonie du Congo français à M'Boko Songo (gisements de cuivre) sur une superficie de 21.223 hectares justifiant la construction d'un chemin de fer joignant Brazzaville à la cote en passant par les mines,
- en République de Colombie (Amérique du Sud), province du Choco (concessions perpétuelles de gisements aurifères et platinifères, de cuivre et de lignite) sur une superficie de 17.000 hectares,
Pour financer ces opérations coûteuses et non immédiatement rentables, la Société est en lien financier avec une série d'entreprises : la Société des Mines de la Haute-Guinée, la Société minière du Koba de Balato, la Société anonyme des dragages aurifères du Tinkisso (cette dernière pouvant être présente sur plus de 1.100 kilomètres des cours du Sénégal et du Niger sans rupture de charges), la Banque coloniale et de travaux publics. Elle a pris également des participations pour acquisition de brevets français pour la fabrication des sels agglomérés et l'exploitation des brevets belges pour ces mêmes sels (usine à Ruppelmonde, près d'Anvers, Belgique). L'Afrique est en effet dépourvue de marais salants et de salines.
La Société minière et coloniale de l'Ouest africain est donc arrivée la première au moment de la formation de l'empire colonial français en Afrique. Elle a créé un immense domaine à exploiter, composé des meilleurs territoires miniers qu'elle a pu choisir en toute liberté (un total de 600.000 hectares coûtant environ 60.000 francs de droits annuels à payer au Gouvernement français). Elle a eu recours aux meilleurs ingénieurs français. Elle a opté pour un système d'exploitation par sociétés interposées, en cédant les permis acquis tout en conservant un intérêt dans les entreprises concessionnaires. La situation pour elle est donc unique et privilégiée dans toute l'Afrique occidentale française (AOF), au Congo et en Colombie.
Elle possède en Guinée française et Haut-Sénégal et Niger 33 permis de recherches et d'exploitation aurifères (rivière Tinkisso, rivière Milo, rivière Fie, rivière Sankarani, région d'Ouassoulou). En Cote d'Ivoire, elle possède 24 permis pour la recherche de l'or et du pétrole (région du Sanwi).
En Amérique latine, elle possède en Colombie 17.000 hectares de terrains platinifères et aurifères contenant aussi d'autres métaux et des terrains propices au caoutchouc. Elle prospecte les gisements d'or et de platine situés sur les deux rives du rio Negro et du rio Cajon, du rio Jamana et du fleuve San Juan (district du Choco, département du Cauca, en République de Colombie).
La Société anonyme des dragages aurifères du Tinkisso, créée en 1904, est spécialisée dans la recherche des gisements d'or dans les fleuves. Au centre des colonies françaises d'Afrique en effet, sur les territoires du Sénégal et de la Guinée française se trouvent les plus importants gisements aurifères de l'Afrique traversés par le chemin de fer de Kayes à Bamako. « 2.700 milles carrés dans lesquels l'or se trouve partout » (Wood, ingénieur des Mines, mission 1903). En outre, les cours d'eau sont parfaitement dragables. Les populations africaines avaient exploité ces très riches alluvions de longue date. L'évaluation des ingénieurs ayant conduit les prospections au début du XXe siècle était de 4 à 5 grammes d'or par mètre cube, soit une valeur de l'époque de 12 à 15 francs au mètre cube. Ces chiffres étaient au-dessus de ceux des Anglais dans la Gold Cost voisine. La Société bénéficia à sa création de l'apport de 200 kilomètres concédés par décision du Gouvernement de la Colonie de la Guinée française (22 décembre 1902) à une précédente société : la Société des mines et dragages de la Haute Guinée, Niger et Soudan. Elle possède 6 permis d'exploitation par dragages sur la rivière Tinkisso.
Les dragues furent commandées en Angleterre et furent opérationnelles en septembre 1904. Une drague installée le matin était immédiatement productive en alluvions d'or le soir même, permettant un cycle d'extraction continu. Les dragages d'or en Afrique, comme également ceux de l'Alaska, de l'Argentine, de la Bolivie, de la Californie, du Canada, du Mozambique, du Pérou, de la Sibérie, de la Nouvelle-Zélande, des Guyanes françaises et anglaises permettent des exploitations peu coûteuses et rémunératrices. La Société du Tinkisso a organisé le travail avec deux dragues dont on retrouve dans le fonds d'archives les relevés techniques journaliers. L'avantage de la recherche d'or par dragage des alluvions des fleuves au lieu du creusement de mines est manifeste : c'est une énorme économie en investissement de matériels, en temps et en personnels.
Un plan conservé dans la série des documents hors format du fonds retrace le travail fourni par les deux dragues et apporte les précisions suivantes : entre le 1er septembre 1905 et le 3 juillet 1909, la drague n° 1 permet d'extraire 77.952 grammes d'or ; entre le 10 juin 1907 et le 10 juillet 1909, la drague n° 2 permet d'extraire 111.835 grammes d'or.
