1. Aux origines : les seigneurs d'Incamps-Louvie et d'Angosse :
La création et l'exploitation des mines de Baburet (Pyrénées) furent bien antérieures à la naissance de la Société des mines de Baburet. Les prémices remonteraient en effet à l'Antiquité romaine. Mais ce fut véritablement à partir du XIVe siècle que l'exploitation prit son essor. La Guerre de Cent ans fut en effet une période d'intense activité économique et proto-industrielle en particulier ; les souverains, et Louis XI notamment, par diverses ordonnances, favorisèrent le développement de l'industrie minière dans la région pyrénéenne. Cela permit en parallèle le développement de plusieurs forges dans toute la vallée de l'Ouzom, à commencer par celle de Louvie (vers 1512), contiguë à la mine de Baburet et propriété des seigneurs de Louvie.
Non loin de là, le capitaine Antoine d'Incamps (?-1614), gouverneur de la vallée d'Ossau, obtint en 1598 par lettre patente de Catherine de Bourbon, sœur d'Henri IV, le droit de construire une forge sur les bords de l'Ouzoum, d'utiliser l'eau, le minerai de la mine de Larreulet et tout le bois nécessaire à son activité. En 1612, son fils et successeur Henri d'Incamps (?-1628) obtint du seigneur de Lendros, Jean de Rivière, la seigneurie de Louvie-Soubiron et toutes ses dépendances. Les Incamps, désormais barons, devinrent à ce moment précis propriétaires de la forge de Louvie et des mines de Baburet.
Après la mort d'Henri en 1628, son fils Louis d'Incamps-Louvie, épousa en 1639 la sœur du Maréchal de France Philippe de Montut-Bénac. Grâce à cet allié de poids, il obtint de la royauté le titre de marquis d'Incamps.
En parallèle, les seigneurs d'Incamps-Louvie eurent à lutter avec les communes franches d'Asson et Bruges au sujet de la possession des bois et montagnes, utilisés pour l'exploitation des forges1. Après plusieurs procès, Louis d'Incamps-Louvie obtint gain de cause : on lui reconnut un droit d'exploitation et de contrôle de la "huitième part" des forêts.
En 1678, il acheta la concession des forges et forêts de Calverie. Louis décéda en 1689 et fut remplacé à la tête du marquisat par son fils Paul (mort en 1735). Ce dernier eut deux enfants : Jean-François-César, seigneur d'Incamps-Louvie, et Marie, qu'il maria en 1729 à Étienne d'Angosse.
Lorsque Jean-François mourut en 1772, il légua tous ses biens à son neveu, Jean-Paul d'Angosse. Celui-ci reçu en héritage non seulement les forges et mines de la vallée de l'Ouzom (Saint-Paul d'Asson et Nogarot notamment), mais également les forges de Béon et d'Isale, toutes deux alimentées par le minerai de Baburet.
Malheureusement, la Révolution fut pour le marquis d'Angosse une période houleuse. Tout d'abord, sa famille émigra en Espagne, tandis que lui fut arrêté, déchu de son titre de marquis (devenant dans les textes le "citoyen Dangosse") et ses biens menacés de liquidation. Néanmoins, les arrêtés furent annulés, et en 1796, Dangosse retrouva sa liberté et l'intégralité de ses biens2.
Par ailleurs, le conflit qui avait opposé son aïeul Louis d'Incamps-Louvie aux communes d'Asson et de Bruges reprit de plus belle. Ces dernières arguèrent que le droit d'exploitation des forêts, purement féodal, entrait en contradiction avec le droit républicain. Le citoyen Dargosse quant à lui avança l'argument de l'intérêt supérieur de l'alimentation des forges, indispensable à l'économie et l'emploi de la vallée. Finalement, le Tribunal du district de Pau acta en faveur du marquis et de ses héritiers, qui conservèrent leur droit sur la "huitième part".
À sa mort en 1798, son fils Armand prit la direction de la mine de Baburet et des forges ; en 1809 il laissa sa place à son frère, Armand d'Angosse. Mais celui-ci décédant en 1835, ce furent ses deux frères Charles et Casimir d'Angosse qui reprirent la direction des exploitations familiales. Casimir mourant à son tour en 1838, Charles continua à administrer ses bien avant de céder sa place de maître des forges à son neveu, Charles d'Angosse, en 1852.
En 1906, Gabrielle de Borelli, une des dernières descendantes, revendit l'héritage familial, soit les mines, les forges et le château des forges. Plusieurs sociétés se sont succédées entre 1906 et 1923 avant que la Société des mines de Baburet n'acquièrent définitivement la mine.
2. La Société des mines de Baburet :
La mine fut modernisée dans un premier temps, afin de s'adapter à une exploitation industrielle. La société se dota également de son propre réseau ferré entre 1928 et 1930, afin d'acheminer le minerai jusqu'à la gare de Coarraze-Nay appartenant à la Compagnie des chemins de fer du Midi. Entre 1937 et 1962, la mine employa une petite centaine d'ouvriers ; malgré tout, l'exploitation resta assez modeste, mais connut tout de même un pic d'extraction en 1938 avec près de 38 890 tonnes de minerais. La Seconde Guerre mondiale apporta son lot de difficultés qui entravèrent durablement la gestion de la société : mobilisation des ouvriers, accidents à répétition sur le site (éboulement, inondations...), mise sous tutelle allemande à partir de 1942 et enfin destruction des installations suite aux bombardements. À cela s'ajoutait une mauvaise gestion financière plus ancienne, qui empêcha la société de retrouver après la guerre un niveau semblable aux premières années d'exploitation. Ainsi, la production de fer tomba à 205 tonnes en 1945. Dans ces années d'après-guerre, la société fut aussi confrontée à la situation rarissime d'émission de fausses actions au porteur. Par ailleurs, le filon s'épuisa progressivement jusqu'en 1962, condamnant la société à fermer l'exploitation. S'entama dès lors un démantèlement des installations, ainsi que la vente des terrains (notamment l'ancien domaine des marquis d'Angosse).
La Société des mines de Baburet fit partie des actifs apportés lors des opérations de fusion entre Marine-Firminy et la Compagnie lorraine industrielle et financière (C.L.I.F). Mais au vu de sa situation précaire, elle ne joua qu'un rôle mineur dans la vie de la société. Les opérations de liquidation définitive, notamment les questions d'actionnariat, furent toutefois conduites sous la direction de Marine-Wendel entre les années soixante et quatre-vingt-dix.