Le fonds Motte-Bossut se compose des archives :
- des différents établissements exploités par la société depuis sa création : filature de coton à Roubaix, tissages de coton à Leers, Comines et Vadencourt, filature de laine à Roubaix, manufactures de velours à Roubaix et Amiens ainsi que ses filiales : usine de la Lys, tissage de Vadencourt-Boheries, usines de Mascara, Lyatène et Tasnor.
En termes de typologie documentaire, il faut tout d'abord considérer l'entreprise comme une société commerciale dotée de la personnalité morale dont les différents stades de vie sont producteurs d'archives et, à cet égard, le fonds Motte-Bossut comporte une série très complète d'actes de société depuis 1843. Elle permet de retracer toute l'histoire de l'être social et l'évolution de son capital.
Des papiers de famille (1790-1905) confiés par Monsieur Jacques Motte éclairent ces actes, puisque l'histoire de la société est étroitement liée à celle de la famille, et permettent de découvrir derrière les grands hommes les grandes femmes qui les inspirent, telle Pauline Motte-Brédart, instigatrice de l'oeuvre de ses fils! D'autre part, des brochures de promotion publiées par la société et un dossier sur la préparation du centenaire de la société en 1943 aident à préciser différents points de la chronologie.
Cependant les documents fondamentaux de ce fonds sont deux belles séries de registres : les procès-verbaux des associés et des actionnaires depuis 1906 et ceux du conseil de gérance puis d'administration depuis 1919. Elles permettent d'accéder à la compréhension du fonctionnement de l'entreprise et de suivre l'évolution de toute sa politique générale, son développement, la diversification de ses productions, les activités de ses différentes branches avec leurs périodes de croissance et de décroissance.
Elles sont très fragmentaires mais plus complètes pour les années qui suivent la crise de 1933, puiqu'on y trouve quelques études sur les plans de redressement et de réorganisation de la société (1934-1938) et les papiers des comités de direction (1934-1937), création de la pratique qui permettait aux dirigeants des différentes branches d'échanger leurs points de vue. Malheureusement, les rapports des comités de direction dont les historiens d'entreprise connaissent l'importance ont été détruits pour les années qui suivent.
Les documents des services financiers sont aussi bien représentés dans ce fonds et renseignent sur l'évolution du capital, les emprunts, les émissions d'obligations ainsi que sur les participations financières. Ces dernières assuraient à la firme une présence stratégique au sein de secteurs complémentaires et une meilleure maîtrise de son industrie.
Mais le fonds est riche d'autres dossiers sur le patrimoine de l'entreprise, en particulier sur les bâtiments industriels et le matériel d'exploitation, moyens indispensables de la production. Outre les titres de propriété, l'on y trouve de nombreux plans (calques et bleus) des bâtiments, de leurs installations et du matériel d'exploitation pour chaque établissement. L'étude de ces plans offre une autre approche de l'histoire industrielle textile et du degré d'activité et de technicité de la firme. Elle est à compléter par la série de livres des acquisitions et des amortissements des bâtiments et du matériel et par une série d'estimations dressées en vue de l'assurance incendie (1911-1979). Ces estimations, qui se présentent sous forme d'inventaires très détaillés, offrent une photographie exacte de l'état de ce patrimoine à date précise. Autre composante du patrimoine : la propriété industrielle avec des dossiers sur les brevets depuis 1866 et sur les dépôts de marque et leur renouvellement depuis 1959, les tissus étant commercialisés sous la marque "Tissus La Tour" et plus spécialement pour le velours sous la marque Sporvel.
Dans ce domaine, il faut déplorer la disparition de nombreuses archives techniques et commerciales, importantes surtout à la manufacture de velours et qui consistaient en fiches de fabrication, livres de prix de revient, dossiers de clients et correspondance. N'ont échappé à la dispersion ou à la destruction que quelques bribes : quelques catalogues publicitaires du velours Sporvel, des cartes d'échantillons, le dossier de l'opération publicitaire que fut la remise du diplôme Prestige de la France au velours Sporvel en 1960, quelques études de marchés et un registre concernant les exportations depuis 1963. Plusieurs objets promotionels sont conservés.
La fonction comptable de l'entreprise apparaît dans des archives plutôt récentes : journaux généraux et centralisateurs depuis 1935, livres d'inventaires, série de bilans consolidés et journaux auxiliaires des dernières années sous forme de listings informatiques à partir de 1976. Comme dans beaucoup d'autres entreprises, il y a eu là aussi destruction systématique de documents dont les délais de conservation légaux étaient dépassés.
En ce qui concerne le personnel ouvrier, il est bien connu que le progrès social s'est réalisé d'abord par l'intervention de l'État dans les relations individuelles de travail, entraînant la tenue de certains types de registres. Chaque établissement de la firme tenait ses registres de personnel rendus obligatoires par la loi. Les séries les plus complètes sont celles du tissage de Leers et de la manufacture de velours . Le plus ancien registre d'inscription des livrets ouvriers concerne le tissage de Leers et remonte à 1879; le plus ancien registre d'inscription du personnel pour la filature de coton est de 1887. En 1919, il a été procédé à une remise à jour du registre des ouvriers de la filature de coton avec inscription des ouvriers embauchés après la guerre et état de ceux qui travaillaient avant et avaient repris. Les premières lois sociales ayant surtout concerné les enfants et les femmes, on retrouve des registres destinés à leur inscription dès 1890 pour Leers et dès 1896 pour le velours. Quant aux registres d'inscription des travailleurs étrangers, le premier concerne l'usine de la Lys et débute en 1926. Signalons que tous les documents concernant les ouvriers et pouvant servir à la reconstitution de carrière pour un dossier de retraite ont été confiés lors de la liquidation à une caisse professionnelle de retraite.
Avec l'évolution de la société, les travailleurs sont aussi considérés comme une collectivité pouvant s'exprimer par l'intermédiaire de représentants avec l'institution de délégués du personnel, des comités d'entreprise et la reconnaissance des droits syndicaux dans l'entreprise. Mais, là aussi, on ne retrouve que quelques pièces isolées illustrant ce changement, forcément moins éloquentes que des dossiers complets : cahier de revendications du syndicat C.G.T et réunions du comité d'entreprise pour l'année 1977, bilans sociaux des dernières années, dossier sur la participation des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise et sur la participation de l'entreprise au financement de la formation professionnelle continue.
Il est à noter que des archives du personnel (bulletins de paies, registres d'entrées et sorties du personnel) avaient été confiées aux Caisses complémentaires du textile CARTEX et IRCOTEX pour la gestion de la retraite du personnel. CARTEX-IROCTEX en a fait don au CAMT en 1999, sous le numéro d'entrée 1999 9.
- des archives de la famille : correspondance, notes, photographies, entre autres (1793-1963).
Telles sont les grandes lignes de ce fonds ; le chercheur ne manquera pas d'avoir recours aux sources complémentaires conservées aux Archives départementales du Nord (en particulier la série M) et aux Archives municipales de Roubaix.