Compagnie française Thomson-Houston (CFTH)
Si la marque Thomson est associée à l’industrie française, c’est aux États-Unis qu’elle trouve son origine. Dans les années 1880, deux inventeurs américains (Elihu Thomson et Edwin Houston) fondent la Thomson-Houston Electric Company, qui a pour vocation l’élaboration et la fabrication de matériel de production et de transport d’électricité. Ils obtiennent une renommée internationale grâce à leur compteur électrique révolutionnaire qui obtient un prix à l’exposition universelle de Paris de 1889. Ils vendent les brevets de cet appareil à la Compagnie des Compteurs créant ainsi un premier partenariat avec la France. Peu de temps après, ils mettent au point un nouveau système de traction électrique qui s’avère être fort lucratif à une époque marquée par le développement du tramway dans les villes. Cette invention leur permet dans un premier temps de fusionner avec la firme Edison pour former la General Electric Company, et dans un second temps de s’étendre plus largement hors des frontières américaines.
Pour pénétrer le marché français, la firme américaine décide d’approfondir son partenariat avec La compagnie des compteurs. Le 27 février 1893, les statuts de la « Compagnie française pour l’exploitation des procédés Thomson-Houston » sont signés à Paris. Même si des Américains sont présents au conseil d’administration et veillent au respect de leurs droits, la gestion effective de l’entreprise revient à un Français. Le premier est le banquier Émile Mercet qui fixe en bon homme d’affaire la stratégie suivante : plutôt que de se doter d’un appareil industriel et donc de moyens de productions autonomes, la firme investi dans des entreprises de tramway et de production-distribution d’électricité déjà existantes. Ainsi, la CFTH se dote rapidement d’un grand réseau de filiales. Il faut attendre la veille de la Première Guerre mondiale pour la voir devenir une véritable société industrielle.
En ce début de XXe siècle, elle diversifie ses activités pour faire face à la crise du tramway, en s’engageant dans la signalisation ferroviaire et le téléphone. Après la Première Guerre mondiale, la CFTH et la General electric company clarifient leurs rapports avec la signature du Principal agreement le 1er août 1919 (accord qui reste valable jusqu’en 1968, date à laquelle la CFTH décide de le rompre).
Parallèlement, elle continue sa diversification en créant en 1921, conjointement avec la Compagnie générale d’électricité, la Compagnie des lampes qui commercialise ses produits sous la marque Mazda. En 1928, elle transfert ses activités lourdes dans une filiale commune avec la Société alsacienne de constructions mécaniques. Cette filiale est nommée Als-Thom (actuelle Alstom). La CFTH filialise aussi deux ans plus tard ses activités de radiologie dans la Compagnie générale de radiologie. Peu de temps après, elle rachète la société Ducretet-Roger pour fonder Ducretet-Thomson, société destinée à produire en masse des appareils de transmission sans fil. En 1941, la firme abandonne son nom d’origine pour devenir officiellement la Compagnie française Thomson-Houston.
Après la Seconde Guerre mondiale, la direction de la CFTH opère des choix stratégiques décisifs. Elle décide en effet d’arrêter l’activité historique de la compagnie : la production et distribution d’électricité, secteur concerné par la vague de nationalisation d’après-guerre. La firme se tourne alors vers de nouveaux secteurs : l’électronique professionnel (émetteurs-récepteurs radio, transmission hyperfréquence, radars), l’électronique grand public (postes de radio, électrophones, télévisions) et l’électroménager (réfrigérateurs, machines à laver) et délaisse progressivement les autres secteurs (éclairage, médical, matériaux lourds avec l’autonomisation d’Alsthom).
Avec le traité de Rome signé en 1958 et l’arrivée sur le marché français de nouveaux produits étrangers, les dirigeants de la CFTH envisagent un accord avec son principal concurrent dans le domaine de l’électroménager, Hotchkiss-Brandt. Ce groupe est lui-même le fruit de la fusion opérée en 1956 entre les Établissements Edgar Brandt et la société Hotchkiss. Il est à l’origine un des leaders mondiaux de l’armement, mais à la fin des années 1950, son département électroménager prend une ampleur considérable grâce à sa machine à laver commercialisée sous la marque Vedette. La fusion entre la CFTH et Hotchkiss-Brandt a lieu en 1966 et donne naissance au groupe Thomson-Houston Hotchkiss Brandt, rapidement renommé simplement Thomson-Brandt.
Compagnie générale de télégraphie sans fil (CSF) / Société française radio-électrique (SFR)
Pour comprendre les origines de la CSF, il faut remonter à l’année 1910, lorsqu’un ancien polytechnicien, Emile Girardeau, fonde en association avec Joseph Béthenod, la Société française radioélectrique (SFR). L’objectif premier est la fabrication de matériel de transmission sans fil (TSF) pour l’armée. La nouvelle société fait ses preuves en Afrique équatoriale française ce qui lui permet de décrocher des contrats en métropole, et notamment la pose d’un émetteur à la tour Eiffel.
La Première Guerre mondiale est un véritable tremplin pour la SFR. Elle livre entre autre 18 000 postes d’avions, 300 postes de navires. Les succès de la SFR poussent les autorités à réorganiser le secteur de la TSF, et attirent les investisseurs. Ainsi, au lendemain de la Grande guerre, la Compagnie générale de télégraphie sans fil (CSF) est-elle créée, qui devient la société-mère de la SFR. Emile Girardeau conserve la direction du groupe, sous étroit contrôle de la Banque de Paris et des Pays-Bas (BPPB), son principal investisseur. La société-mère se constitue alors un réseau qui s’articule autour de trois grands pôles. La SFR développe et produit des alternateurs hautes fréquences, des antennes, des centres d’émission et de réception, la Radiotechnique (dont la CSF prend le contrôle en 1920) est spécialisée dans la fabrication de tubes électroniques, et la Compagnie radio France est créée en 1921 pour assurer l’exploitation des réseaux internationaux. Sans oublier l’activité cinéma du groupe, qui produit dès 1929 des projecteurs par le biais de sa société Radio-cinéma.
Dans les années 1930, la direction recentre les activités du groupe sur l’électronique professionnelle lourde. En 1934, le laboratoire de la CSF crée un appareil de détection à ondes décimétriques (ultra haute fréquence). Ce qui constitue l’ancêtre du radar équipe notamment le paquebot Normandie un an plus tard. Parallèlement, la SFR poursuit ses activités originelles, avec comme fait marquant l’installation d’un émetteur ultra moderne pour radio-Luxembourg mis en service en 1931. Juste avant l’invasion allemande de mai 1940, le directeur du laboratoire de recherches générales Maurice Ponte se rend en Angleterre pour présenter aux autorités alliées le prototype du magnétron de la CSF, que les Britanniques vont perfectionner pour créer le radar centimétrique qui équipe les chasseurs et bombardiers alliés dès 1943. En France, pendant toute la durée de l’Occupation, les usines de CSF sont placées sous la tutelle de grands groupes allemands comme Telefunken, et participent ainsi à l’effort de guerre de l’occupant.
Après la Libération, la direction change et le groupe connaît un nouveau souffle. Grâce à son dynamique Centre de recherches techniques, et grâce à la création du Centre de recherches physico-chimiques à Puteaux, la CSF connaît un âge d’or au milieu des années 1950. Il s’agit en effet d’une période de grandes innovations, symbolisée par le condensateur pour lequel une filiale est créée (Le condensateur céramique). Autre fait marquant, ce sont les équipes de la CSF qui réalisent la première transmission en eurovision en 1953 à l’occasion du couronnement d’Élisabeth II. Dernier symbole des succès de la CSF, le radar Cyrano qui équipe l’avion de combat Mirage III, un des plus vendus au monde.
En 1957, la société-mère absorbe la SFR. La CSF est alors une référence dans le monde de l’électronique et emploie 19 000 salariés, dont 2 000 dans les départements recherches. Au total, le groupe possède prêt de cinquante établissements répartis, pour la grande majorité d’entre eux, sur le territoire français. Mais malgré cette apparente prospérité, les résultats financiers du groupe restent médiocres. En effet, les investissements consentis dans le but de garder un haut niveau technique ont entraîné un surendettement. Dans les années 1960, le groupe devient incapable de s’autofinancer et l’État l’oblige à se rapprocher d’un nouveau partenaire. Thomson-Brandt est choisi, la CSF pouvant désormais s’appuyer sur un puissant groupe industriel travaillant dans des domaines proches des siens et suffisamment prospère pour retrouver une rentabilité. Pour Thomson-Brandt, la fusion permet de perfectionner son domaine technologique. Enfin l’État, qui a supervisé le rapprochement, voit en cette fusion le moyen de doter le pays d’une entité capable de concurrencer les géants de la technologie japonais ou américains. La fusion a lieu en 1968 et donne naissance à Thomson CSF.
Thomson CSF
Un accord de fusion entre le groupe électronique professionnel de Thomson-Brandt et la CSF est trouvé en septembre 1967, mais il faut attendre un an pour qu’elle soit effective. Thomson CSF voit donc le jour en tant que filiale de Thomson-Brandt qui se concentre sur l’électroménager. Thomson CSF ne tarde pas à s’illustrer puisque dans les années 1970, les premiers gros contrats à l’exportation sont signés. Le domaine militaire est particulièrement actif avec comme symbole le missile Crotale développé en partenariat avec l’Afrique du Sud et qui est par la suite commandé par une dizaine de pays à travers le monde, en particulier des pays du Moyen-Orient avec qui Thomson CSF noue des liens durables. Le domaine civil n’est pas en reste puisqu’en 1975, la firme a installé dix mille kilomètres de lignes téléphoniques dans quarante-cinq pays, fourni des satellites à l’Allemagne et en Amérique, et installé des systèmes de contrôle aérien au Brésil, en Égypte et en Irak. Mais cette décennie est aussi celle où Thomson CSF diversifie encore ces activités avec la communication téléphonique, les semi-conducteurs silicium et l’imagerie médicale. Mais cette diversité porte préjudice au nouveau géant de l’électronique français. En effet, hormis le secteur militaire, le marché des autres secteurs est insuffisamment grand, la rentabilité est en berne, et le groupe s’endette.
En 1982, le gouvernement Mauroy nationalise Thomson-Brandt et Thomson CSF et les regroupe au sein d’une nouvelle société-mère, Thomson SA, même si les deux filiales conservent leurs secteurs d’activités et restent bien distinctes. Sous l’impulsion de son nouveau directeur Alain Gomez, Thomson CSF recentre son activité sur l’électronique professionnelle et militaire en renforçant ce secteur par exemple par l’acquisition en 1990 des activités militaires de Philips, et en cédant à d’autres firmes ses activités téléphone, lampes, radiologie, semi-conducteur. Le domaine de l’aéronautique est aussi renforcé avec la création en 1989 de Sextant avionique.
Les différentes branches de Thomson prennent leurs distances les unes des autres au cours des années 1990. L’État se désengage progressivement à l’image de Thomson CSF qui est privatisé (l’État conserve tout de même environ 30 % du capital) et qui devient un groupe totalement indépendant. Cette indépendance est marquée par le changement de nom opéré en décembre 2000 : Thomson CSF devient Thales.
Compagnie d’électricité Thomson-Houston de la Méditerranée
En 1898, en collaboration avec l’Union Elektrizitats-Gesellschaft (firme allemande exploitant les brevets Thomson-Houston), la CFTH crée cette filiale, avec un siège social situé à Bruxelles. L’objectif est de permettre l’exploitation des brevets en Italie, Espagne, Grèce, Égypte et Portugal. Cette filiale parvient à créer dans chacun de ces pays des sociétés autorisées à exploiter les brevets Thomson-Houston. Une fois ces sociétés suffisamment organisées et autonomes, la Compagnie d’électricité Thomson-Houston de la Méditerranée n’a plus lieu d’être, et en juillet 1909, elle est absorbée par la CFTH.
Compagnie française de radiophonie
Cette filiale de la CSF est créée en 1923 pour l’exploitation du poste de radiodiffusion privé Radiola qui devient en 1924 Radio-Paris. Elle est nationalisée en 1933 puis liquidée progressivement.
Les établissements Charlin
Absorbés en 1952 par la CSF, les locaux industriels des établissements Charlin situés à Montrouge sont utilisés pour créer le centre Malakoff/Montrouge qui se consacre à la production de radars de bord d’avions.
Société de traitements électrolytiques et électrothermiques
Cette filiale de la CSF est fondée en 1936. Elle a deux activités distinctes : d’un côté le revêtement métallique des matériaux par électrolyse, de l’autre le traitement des métaux ou des isolants par chauffage en courants de haute fréquence. Ses locaux étaient situés à Massy (91).
Société L’éclairage électrique
Cette société est spécialisée dans le domaine des fils et câbles, des isolants et du petit appareillage électrique. Elle fusionne avec la CFTH en 1918. Cette fusion est décisive dans le développement de l’outil industriel de la CFTH.
Société française radio-électrique Afrique
La SFR commence à s’implanter en Afrique dès 1940, en créant à Alger un atelier de fabrication et de réparation d’appareils militaires. En 1948, la SFRA est officiellement créée en tant que filiale de la SFR avec son siège social basé à Casablanca, où se situe également un atelier-laboratoire. Une usine à Alger assure la production de matériels de télécommunications. Le groupe installe aussi des stations-services radio à Dakar, Tananarive et Douala, complété par des agences commerciales présentes en Afrique du Nord, en Afrique occidentale et à Madagascar.
SODETEG Transmission automatique informatique
La Société d’études techniques et d’entreprises générales (SODETEG) est une filiale de la CFTH spécialisée dans les techniques d’électronique avancé et notamment la réalisation d’équipements de champ de tir de missiles ou de fusées. En 1970, la création d’une filiale est décidée : SODETEG TAI voit le jour avec pour objet l’ingénierie des systèmes automatiques, ainsi que la conception de systèmes de régulation du trafic ferroviaire.